En 1980, Louis Althusser, professeur de philosophie à l’école Normale d’Ulm, étrangle sa femme, Hélène Rytmann. Il fut déclaré irresponsable de son geste et mourut 10 ans après.
Malgré ses 30 ans d’analyse et ses quinze ans d’internement, il n’a pas compris la raison de son acte. Son geste peut-il trouver une explication ? A la lecture de ses mémoires, L’avenir dure longtemps suivi de Les faits, et de Lettres à Hélène, plusieurs pistes sont ouvertes. Voici sa généalogie et les dynamiques possibles.
La généalogie de Louis Althusser
Voici son arbre généalogique retracé en fonction des propos de son livre :
Ses parents paternels provenaient d’Alsace et ses parents maternels étaient fils et fille de paysans pauvres du Morvan. A un moment, il parle d’un oncle dont j’ignore totalement l’existence, peut-être le mari de Juliette.
- Son père, Charles, banquier, est né à Alger et son grand-père paternel était fonctionnaire, « déporté » d’Alsace en Algérie en 1871. Son nom signifie Vieilles Maisons (Alte Häuser). Louis connut sa grand-mère paternelle Marie-Marguerite « extraordinaire femme raide comme une pioche » mais pas son grand-père. Elle détestait Charles son aîné et le mit au travail à 13 ans. Louis, « très bon élève, très sage et très pur » devait préparer le concours d’entrée à Normale supérieure de Saint-Cloud. Son père eut une maîtresse, Louise, morte malade, avant de connaître Lucienne.
- Sa mère, Lucienne, institutrice, est née en Algérie où son père avait émigré pour être garde forestier. Sa soeur Juliette, qui avait 2 ans de moins qu’elle, était fiancée à Louis quand il mourut « dans le ciel de Verdun, dans un aéroplane où il servait comme observateur ».
Louis Althusser raconte alors que son père, Charles, « prend ma mère à part dans le jardin et finit par lui proposer de « prendre auprès d’elle la place de Louis ». Lucienne accepta. »
La vie de Louis Althusser
Né le 16 octobre 1918 à 4 heures et demie du matin dans la maison forestière du « Bois de Boulogne », commune de Birmandreïs, à quinze kilomètres d’Alger, Louis vit son père quand il avait 6 mois, car il était retenu sur le front. Il est baptisé Louis, comme son oncle paternel, le fiancé mort de sa mère et voici ce qu’il en dit :
Louis, prénom que très longtemps j’eus littéralement en horreur, qui me dépouillait de toute personnalité propre. Lui, c’était Louis, mon oncle, que ma mère aimait, pas moi. Et qu’elle ne cessa, toute sa vie, d’aimer.
- A 11 ans, Louis demanda à son père comme cadeau, pour avoir été reçu au concours des bourses en 1929, une carabine. Il pensa « essayer de se tuer » en mettant l’arme contre son ventre alors qu’il y avait une balle dans la culasse, ce qu’il ignorait.
- A 12 ans, sa famille déménage à Marseille, en 1930. Il continue ses études à Lyon en 1936 où il rencontrera Jean Guitton. Il passera souvent ses étés dans le Morvan chez ses grands-parents maternels.
- Reçu au concours de l’école Normale d’ULM en juillet-août 1939, il est mobilisé en septembre et ne devait rentrer à l’école qu’en octobre 1945, six ans après.
- En 1947, il rencontre Hélène Rytmann, qui porte aussi son nom de résistance Legotien en 1947. Après l’avoir connu « bibliquement », il passe directement à la case psychiatrique, déclaré « dément précoce » par Pierre Mâle, le grand psychiatre et analyste de l’époque. Comme il le précise lui-même :
Lorsqu’elle fut partie, un abîme d’angoisse s’ouvrit en moi et ne se referma plus. Le lendemain, je téléphonai à Hélène pour lui signifier violemment que jamais plus je ne ferai l’amour avec elle. Mais c’était trop tard. L’angoisse ne me quitta plus et chaque jour qui passait la rendit plus intolérable.
- Il est de nouveau interné en 1967, en 1970, en 1973… et aura droit à des cures de sommeils, des électrochocs, des antidépresseurs….
- Peu de temps après leur rencontre, elle avorte sans le prévenir. Ils emménagèrent en 1973 , dans un appartement de fonction de la rue d’Ulm, Louis y étant professeur de philosophie. Ils se marièrent en 1975.
- Il aura aussi 2 analystes, dont René Diatkine qu’il déclare voir quotidiennement depuis 1967.
Tout ceci ne l’empêche pas de tuer sa femme Hélène par strangulation le 16 novembre 1980 dans leur appartement de la rue d’Ulm.
Les dynamiques familiales possibles
Quelle identification peut expliquer son geste ?
L’identification à son oncle est certaine
Comme il le dit, il « porte le nom d’un mort », son oncle paternel et fiancé de sa mère. L’identification qu’il porte pour faire plaisir à son père et sa mère est évidente. C’est certainement pour cela qu’il est suicidaire très jeune, jouant avec sa carabine à 11 ans.
L’identification à son grand-père est plausible
A de nombreuses reprises, il se prend pour son grand-père et écrit :
Je devais philosophiquement devenir aussi mon propre père. J’ai joué au père du père pour me donner l’illusion d’en avoir un.
Appréciez sa « philosophie », à l’opposé de toute recherche de sagesse.
L’identification à l’allemand qui a tué son oncle est fort possible
C’est la seule auquel il n’a pas pensé, malgré ses 15 ans d’internement et ses 30 ans d’analyse. Son oncle ayant probablement été tué par un allemand, il peut ainsi avoir une dynamique de persécuteur. Il épouse une résistante juive, Hélène Rytmann, et déprime le lendemain de sa rencontre.
En conclusion
Un meurtre dénote le plus souvent une dynamique familiale. La plus probable est celle de son oncle Louis tué pendant la 1ère guerre mondiale. Je ferais une constellation à la rentrée.
Si vous avez d’autres pistes, laissez-moi un commentaire.
Louis Althuser avait une correspondance avec une Italienne ce que certainement ne plaisait pas à Hélène. Et c’était normal, elle aimait son mari. Une scène de jalousie n’est pas à écarter. Une femme jalouse peut devenir violente, violence verbale qui peut aller très loin. Or, Althuser était un « cas » , ayant déjà fait plusieurs hôpitaux psychiatrique. Il était en permanence sous analyse. Donc quelqu’un psychologiquement instable. La scène de jalousie de sa femme l’a certainement mis hors de lui qui reffuse d’interrompre son amitié épistolaire, elle devient violente et le menace, ils viennent aux mains, il était le plus fort.c’est comme ça que je vois ce drame, d’ailleurs banal, mais qui a pris de proportions extrêmes parce qu’il s’agissait de quelqu’un de la stature de Louis Althuser, l’endroit du crime – sanctuaire Par excellence de la culture française – ajoutant à rendre l’affaire encore plus scabreuse.
Il est toujours possible d’avoir plusieurs lectures. Cette scène peut aussi venir de l’avortement, qui casse la relation dans le couple et qui rend la femme en colère contre l’homme.
Je suppose qu’il en voulait à sa mère d’avoir « trompé » son oncle avec son père, même s’il était décédé. Il se sentait illégitime, fruit d’une forme de relation incestueuse. Cette haine primordiale des femmes devait s’exprimer à l’encontre d’Hélène. Il nourrissait de plus cette haine en miroir en cultivant la jalousie d’Hélène, tuant sa mère à travers elle et se détruisant en écho à la mort de son oncle qui aurait dû être son père.
Je suppose que vous avez fait beaucoup d’analyse. La vue systémique apporte un autre éclairage….
Incompréhensible ce désir d’interprétation ….! Y’a que lui » qui sait » !! Décevant, certes , comme le suicide de Romain Gary … Mais , que voulez-vous ? ! Il a serré sa femme, dans tous les sens du terme !!
les constellations montrent la direction…
Vla. La Victime est coupable. Bien vu.
Coupable de ?
peut-être qu’il était juste très méchant ?
Tout comme Pancho Villa ?
bah non pancho villa était gentil
Dans le monde des morts, il n’y a plus de gentils, ni de méchants….
D’un autre côté, l’oeuvre des uns et des autres leur survive.Donc, leur mort est finalement assez relative.
Vous ne pensez pas mourir un jour ? Vous avez tendance à philosopher…
Mais Louis Althusser était très gentil.
J’ai été élève à Normale Sup’ à la fin des années 1970, juste avant le meurtre d’Hélène, et je puis témoigner qu’en tant qu’enseignant, qu’administrateur, et aussi que voisin (nous « vivions » dans la « même maison »), c’était le plus affable, le plus amical, des hommes.
Alain Delame (ENS promotion 1975)
Sauf pour sa femme… Les dynamiques familiales sont ainsi, c’est « plus fort que soi ».
Lui-même a regretté le jour même son geste, demandant de l’aide pour la compréhension de son comportement. La construction de sa philosophie, qu’il enseignait à haut niveau, n’a pas résisté aux agressions de son vécu, désintégrant sa personnalité.
Je suis très sceptique sur la philosophie…
Tout cela est si fragile
Le fait qu’il soit hors normes sous différents aspects ne fait qu’accentuer la fragilité
Sa notoriété ne le protège alors en rien,c’est plutôt un accélérateur
Et des choses arrivent
Une certaine bi-polarité incline obligatoirement vers un égocentrisme,la quotidienneté
devient infernale pour lui et surtout pour ses proches
Et des choses arrivent
On lutte tous les jours pour avancer
Il a eu des satisfactions et fait des dégâts,beaucoup de dégâts,pour lui et pour les autres
C’est sa vie,comme toute autre vie,c’est son trajet.Ce qui frappe les imaginations est
finalement extrêmement banal
Sa pensée elle,ne l’était pas et c’est finalement ce qu’il convient de retenir.
Philippe, je n’ai rien compris à ton analyse…
Ma femme me dit que je suis vraiment abscons. Apparemment,vous pensez comme elle
J’aime ma femme. Lui aussi aimait sa femme et pourtant Althu serre. Comme quoi …
Rien, il ne se passe rien,cependant tout arrive.
Je crois que certains disaient « Althu sert à rien ».
En conférence aujourd’hui, j’ai évoqué la pensée d’Althusser sur les appareils idéologiques d’État qui a inspiré ls théorie de l’interpellation chez la theoricienne feministe Judith Butler et une étudiante a dit qu’en raison de son geste envers sa femme que celui-ci devrait être bani des cours en études féministes. Délicat….
Votre étudiante vous persécute en faisant appel à sa bonne conscience. N’étant pas en paix avec la mort d’hélène elle reprend sa colère et la retourne contre vous. Il est probable aussi qu’un avortement soit à l’origine de sa colère, s’identifiant avec elle. Dans tous les cas restez légère et ayez de la compassion pour elle.
ils étaient complices, ils étaient convaincus que l’assassin et la victime deviennent une entité doublement forte et voulaient vérifier. Le pb c’est que elle on l’avait persuadée qu’elle était « mauvaise », en réalité elle savait beaucoup de choses et il fallait la neutraliser.
Lui, imbu de lui-même avait été facile à manipuler, il avait toutes ses facultés mais il s’est retrouvé avec un double poids à porter et ce qui a amplifié le pb s’est qu’en voulant le protéger par une forme d’irresponsabilité on l’a « enfermé » et utilisé.
Comme quoi on est par toujours à la hauteur des pouvoirs qu’on récupère et qu’on devient simplement l’instrument du crime dans sa plus simple expression et que le bagage intellectuel ne suffit pas à justifier « la bassesse », toute manipulation, tout calcul ouvrent la voie à d’autres manipulations de plus en plus médiocres et de plus en plus criminelles. Se nourrir du négatif attire vers le négatif, briller ne suffit pas, il faut en avoir réellement le contenu et ainsi briller naturellement sans calcul et sans fabrication.
Probablement qu’ils ont récupéré des pouvoirs qui ne leurs appartenaient pas et qu’au lieu de témoigner et de transmettre ils s’en sont servis pour un usage personnel qui réduit la conscience de l’humanité à des objets bassement matérialistes et « tire vers la vase ». Ce n’étaient que des « instruments » victimes » de leurs mauvaises fréquentations. Ils ont cru pouvoir manipuler parce qu’ils étaient manipulables. L’être humain est beaucoup plus qu’un simple objet d’expérience.
Le pb c’est que ce crime (association de la victime et de l’exécutant pour pouvoir se refaire « une virginité ») a été considéré comme « irresponsable », couvert par des instances complices a ouvert la porte aux apprentis sorciers : ils ont acquis la connaissance mais pas la lumière. Pour leurs défenses ils avaient autour d’eux des réseaux qui avaient intérêt à ce que ce genre de crime soit minimisé.
L’important, en constellation familiale, est d’avoir un regard égal envers victime et persécuteur, afin qu’ils soient tous les deux en paix. Lisez mon article sur les incas.
Il est plus probable pour ma part de cette faiblesse d’esprit liée au caractère assez idéel que porte la philosophie.
J’aurai plutôt tendance à dire qu’il avait tant besoin de changer quelque chose pour brisée la douleur qui était sienne (liée à son oncle), la distance entre la philosophie et la vie familiale à été très mince au point de mélanger les deux et de perpétrer un acte pour lequel il n’aura pu trouver de signification après.
La philosophie tue ?
Affirmatif
Nous ne commençons à vivre réellement qu’au bout de la philosophie
Sur sa ruine
Quand nous avons compris sa totale nullité
« Halte tu serres » trop !
Les derniers mots de Elle Haine…
Elle m’a bien fait rire…
Je vois deux-trois dynamiques systémiques à l’oeuvre ici.
D’abord, l’identification de l’enfant Louis avec le premier « amant » de la mère, dont elle n’avait pas fait le deuil et qu’elle retrouvait dans son fils. Avec l’impossibilité de prendre son père biologique. La tentative de suicide de ses 11 ans, c’est quand il dit inconsciemment à sa mère dont il perçoit le désir de mourir pour suivre cet amant, « par amour pour toi, je meurs à ta place ».
Et il y a un grand oublié dans cette histoire, c’est celui qui a tué l’oncle Louis. Le jeune Louis semble avoir vécu dans l’expiation de ce crime, en payant à la place du tueur, par ses années d’internement. Puis c’est comme s’il y avait une bascule et que soudain il dise à l’allemand « moi, je tue comme toi » . Et il a tué une juive. Terrible et puissante intrication!
D’où l’intérêt de visualiser victime et persécuteur ensemble pour être en paix…