M’intéressant aux auteurs philosophes pour un ami qui passe le baccalauréat, j’ai voulu comprendre la dynamique du livre La nausée, de Jean-Paul Sartre.
J’avoue m’être profondément ennuyé à la lecture de ce livre, l’auteur paraissant complètement dissocié, ne parlant que des autres et quasiment jamais de lui. La Nausée représente-t-elle sa vie ou sa mort qu’il n’accepte pas ? Voici l’histoire du roman et la constellation familiale selon Bert Hellinger.
L’histoire d’Antoine Roquentin
Antoine Roquentin, rouquin âgé de 30 ans, vit « seul » à Bouville de ses 14 400 francs de rentes, des coupons à toucher tous les mois. Il écrit un livre sur le Marquis de Rollebon et va régulièrement à la bibliothèque, y croisant l’Autodidacte et le bibliothécaire corse, M. Paoli.
Il a connu Anny lors de ses pérégrinations à Londres. Il vit à l’hôtel Printania et couche régulièrement avec Françoise, la patronne du Rendez-vous des cheminots où il aime un air de rag-time. Comme il le précise « je ne la paie pas : nous faisons l’amour au pair ». Voici ce qu’il vit dans le roman :
- Il traîne dans les cafés de Bouville et fait l’expérience de la « Nausée » au Rendez-vous des cheminots.
Je venais pour baiser, mais j’avais à peine poussé la porte que Madeleine, la serveuse m’a crié :
– La patronne n’est pas là, elle est en ville à faire des courses. […] Qu’est-ce que vous prenez monsieur Antoine ?
Alors, la Nausée m’a saisi, je me suis laissé tomber sur la banquette, je ne savais même plus où j’étais. […] Et voilà : depuis, la Nausée ne m’a pas quitté, elle me tient.
- Une centaine de pages plus tard, il accepte une invitation à déjeuner avec l’Autodidacte qui lui parle d’un livre d’un auteur américain La vie vaut-elle d’être vécue ? Et quand l’Autodidacte lui demande :
– N’est-ce pas la question que vous vous posez ?
– Évidemment non, ce n’est pas la question que je me pose. Mais je ne veux rien expliquer.
Et, quand l’autodidacte lui dit qu’il faut aimer les hommes, la Nausée le reprend.
- Il décide d’arrêter d’écrire : “Je n’écris plus le livre. C’est fini, je ne peux plus écrire. Qu’est-ce que je vais faire de ma vie ? Rien. Exister.” et d’aller vivre à Paris.
- Il revoit Anny à Paris en pensant passer quelques jours ensemble. Dans sa chambre d’hôtel, elle lui déclare qu’elle se fait entretenir par un vieil Anglais sans importance et « Je me survis » avant de parler de la mort de son père et qu’elle part le lendemain soir pour Londres. Le lendemain, il veut la trouver à la gare, mais n’ose pas lui parler alors qu’elle l’a vu.
- Il revient à Bouville pour y passer ses derniers jours. A la bibliothèque, il défend l’Autodidacte qui s’est fait frapper sur le nez par le bibliothécaire Paoli, appelé le Corse, pour avoir caressé la main d’un jeune homme.
- Le roman se finit par ses dernières impressions sur Bouville avant de repartir vivre à Paris. « La nuit tombe. Au premier étage de l’hôtel Printania deux fenêtres viennent de s’éclairer. Le chantier de la nouvelle gare sent fortement le bois humide : demain, il pleuvra sur Bouville ».
Que signifie donc tout cela ? Heureusement qu’une constellation…
La constellation familiale selon Bert Hellinger
Prenons quatre phases : l’Avant Bouville, Bouville, Paris et l’algarade au retour à Bouville
L’avant Bouville : Antoine, ses deux parents, la nausée et Anny
Les représentants se mettent en place :
- Le père d’Antoine se met à droite, la mère à gauche en face de la porte en laissant un petit espace entre elle et son mari et Antoine vient derrière. La mère étant face à la porte, elle veut mourir, je lui demande alors de faire un pas en avant pour voir la réaction de son fils. Celui-ci n’a pas envie de la suivre, il ne se sent connecté à aucun de ses parents.
- La nausée vient en face de sa mère, entre elle et la porte.
- Anny vient en face d’Antoine, sa mère derrière elle.
Nous avons la configuration suivante :Antoine est intéressé par la mère d’Anny qui le regarde. Comme la mère lui demande s’il est à la hauteur pour sa fille, Antoine l’ignore.
Françoise, le marquis de Rollebon, l’Autodicate et le Corse
Les personnages de Bouville arrivent :
- Françoise, la patronne du rendez-vous des cheminots, vient à la périphérie, derrière Antoine et son père. Antoine n’est pas attiré du tout. Je lui fais dire « je ne suis pas là, je suis allée faire des courses » à Antoine et c’est totalement neutre pour lui. La Nausée ne bouge pas non plus. Antoine ne voit aucun rapport entre les deux. Quand je lui fais dire « je suis en colère contre maman », la nausée se rapproche de la mère.
- M. Rollebon vient à la gauche d’Antoine et représente un frère mort.
- Le Corse vient en face d’Antoine, tandis que l’autodidacte vient à côté d’Antoine. Quand l’autodidacte arrive, la Nausée s’éloigne. Quand il dit à Antoine : « il faut aimer les hommes », Antoine sent quelques frissons désagréables.
- Il décide d’arrêter d’écrire et cela l’inquiète. Il se demande ce qu’il va faire de sa vie. Quand il dit « exister », la nausée s’en va.
Dans ce placement, l’Autodidacte est plutôt un ami, le Corse un ennemi et la Nausée se prend pour un « thermomètre du bonheur ». Tout ceci n’est pas bien clair. Continuons avec la visite à Anny à Paris.
Le retour et la rencontre d’Anny à Paris
Antoine va à Paris revoir son ex, Anny, qu’il a connue en Angleterre.
- Il avance vers elle et sent toujours la présence de sa mère. Comme Anny lui dit que son père est mort et que sa mère est toujours vivante, cela ne lui fait ni chaud ni froid. Je lui demande alors de s’allonger au sol. Le représentant du marquis de Rollebon s’allonge aussi au sol et ils sont tous les deux bien ainsi. Cela confirme qu’Antoine veut mourir pour rejoindre un frère mort.
- Quand Anny lui dit qu’elle est avec un Anglais, cela ne lui fait rien non plus.
Antoine a vraiment envie de mourir et rien ne lui donne un peu de vie, seulement un peu de Nausée de temps en temps qui lui donne une sensation de vie.
Le retour à Bouville et l’algarade à la bibliothèque
Mettons en scène l’algarade : l’Autodidacte touche un jeune homme et cela met en colère le corse.
- Le Corse est intéressé par la mère d’Antoine… C’est agréable à Antoine quand sa mère suscite un peu d’amour.
- Que l’Autodidacte veuille toucher un jeune homme est complètement égal au représentant du Corse. « Qu’il le fasse pour de vrai que cela en vaille la peine ».
- Si les 2 se confrontent, c’est complètement égal à Antoine qui n’a pas envie d’intervenir, contrairement au roman.
En résumé, les représentants ne voient pas vraiment l’intérêt de cette scène, sinon d’y mettre de la violence gratuite…
En conclusion : Jean-Paul Sartre décrit une colère de maman
C e roman est l’histoire d’une personne qui « fait des études », qui veut mourir pour rejoindre un frère mort et qui reprend la colère de sa mère. En dynamique familiale, la nausée représente souvent des injures rentrées. La Nausée lui donne un peu de vie de temps en temps. En effet, si Antoine s’allonge au sol, la Nausée s’en va.
On dirait plus l’histoire du père de JP Sartre, Jean-Baptiste qui navigua sur le Bouvines et non à Bouville et qui mourut jeune. De plus, le père de Jean-Baptiste n’adressa pas la parole à sa femme pendant 40 ans après qu’il sut qu’elle avait menti sur sa dot. La nausée est-elle la colère de la mère du père de Jean-Paul contre son père ou contre son mari qui ne lui adressait pas la parole ? Une autre constellation qui prendra en compte l’histoire de JP Sartre devra l’élucider…
Pour aller plus loin
Une critique et une interprétation de la Nausée :
- Une critique d’Albert Camus sur La Nausée.
- Une citation de Bert Hellinger sur la nausée.
La nausée signale habituellement des émotions négatives réprimées, surtout l’expression d’injures. Aussitôt que ces paroles de colère retenues, concernant la plupart du temps le passé, sont fortement et clairement exprimées lors d’une thérapie, en imaginant la personne devant vous et en lui disant, les yeux ouverts, que vous êtes en colère, la nausée disparait. La nausée se manifeste aussi quand des reproches justifiés n’osent pas être exprimés.
Vous pouvez aussi lire A la découverte des constellations familiales : De la théorie à la pratique, traduction de plusieurs livres qu’il a écrit.
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