L’herbe des nuits ou le TOC caché de Patrick Modiano

J’ai voulu comprendre la signification du livre L’herbe des nuits de Patrick Modiano, récent prix Nobel de littérature. J’avoue n’avoir eu aucun plaisir à le lire, ne comprenant à aucun moment où il voulait en venir. J’aurais aimé un message plus clair sur le meurtre qui a lieu dans son roman au lieu d’avoir des noms de rue à tout bout de champ.Rue DroiteLa réponse est simple… Patrick Modiano cherche à perdre son lecteur pour lui éviter de voir sa propre mort. Il est atteint d’un TOC spécial, celui des rues de Paris.

L’histoire éphémère de Jean et Dannie

Voici l’histoire : Jean, le narrateur, est un écrivain qui rencontre « Dannie », amie de marocains et de Mme Dorme.

  • Ils squattent des appartements la nuit bien que Jean ait une chambre. Quand il perd un manuscrit dans un appartement, il est contrarié.
  • Ghali Aghamouri, homme marocain marié, conseille un jour à Jean d’arrêter de voir Dannie, car il lui a prêté les papiers de sa femme. Comme elle lui dit « Je dois voir Aghamouri pour qu’il me donne des papiers« , Jean lui répond « Quel genre de papiers? Des papiers au nom de Michèle Aghamouri? » Dannie lui répond : Michèle m’a prêté sa carte d’étudiante… J’ai perdu tous mes papiers et il faut que je fasse des tas de démarches compliquées pour obtenir un acte de naissance… Je suis née à Casablanca… puis « Et, en plus, il t’a dit que j’étais embarquée dans une sale histoire ? Et tu as cru tout ça, Jean ? »
  • Un soir, elle lui demande un service « Tu sonnes à la porte du rez-de-chaussée gauche et tu demandes Mme Dorme ». Jean sonne au 46 bis quai d’Henri IV et n’obtient pas de réponse, bien que nous avions vu de la lumière par les interstices des volets.
  • Plus tard, elle lui demande. « Qu’est-ce que tu dirais si j’avais fait quelque chose de grave ? Qu’est-ce que tu dirais si j’avais tué quel­qu’un ? » Et Jean répond « Ce que je dirais ? Rien. » et précise à l’intention du lecteur « Aujourd’hui, j’aurais fait la même réponse ».
  • Enfin, plusieurs mois après, après la disparition de Dannie, un inspecteur à la retraite, Langlais, donne à Jean sa version des faits :

Il était environ une heure du matin, selon la déposition du concierge du 46 bis. C’est lui-même qui a ouvert la porte cochère pour les laisser passer. Ils étaient quatre. Lui, le concierge, il ignorait que l’homme était mort, l’un de ceux qui le soutenaient lui a dit simplement que ce type avait eu un malaise et qu’ils l’emmenaient à l’hôpital Lariboisière. Pourquoi Lariboisière ? C’était loin, à l’autre bout de Paris. En vérité, selon les renseignements qu’avait rassemblés Langlais, on avait reconduit le mort « à son domicile » pour qu’il puisse y mourir officiellement de sa belle mort, sans qu’on sache jamais qu’elle avait eu lieu dans un appartement du rez-de-chaussée du 46 bis quai Henri-IV. Le concierge y avait remarqué depuis quelques mois, à partir de neuf heures du soir et pendant la nuit, de nombreuses allées et venues. On entendait souvent de la musique, mais, ce soir-là, avait-il dit, il n’y avait pas de bruit dans l’appartement. Tu devais y être avec celui que l’on nomme « le mort », sans jamais citer son nom. Et pourtant, au bas d’une page, on devine que ce nom a été tapé à la machine et qu’il a été effacé ensuite. Deux caractères sont à peine visibles : un S et un V. Tu étais donc, cette nuit-là, dans l’appartement avec un inconnu, d’autres personnes — une assemblée « assez restreinte », indique le rapport — et cette Mme Dorme.

Le concierge a entendu deux coups de feu, juste avant minuit. Au bout d’environ dix minutes, il a vu sortir de l’appartement deux hommes et deux femmes, puis « une jeune fille » dont il donne un signalement assez précis, parce qu’elle se rendait souvent dans l’apparte­ment depuis plusieurs mois, qu’il lui avait parlé quelquefois et qu’elle prenait régulièrement du courrier qui lui était adressé au nom de « Mireille Sampierry ». C’était toi. Les quatre autres sont venus environ une heure après pour transporter cet homme sans nom et sans visage dans la voi­ture garée devant l’immeuble.

L’une des per­sonnes présentes à cette soirée — un certain Jean Terrail — a témoigné que c’était toi qui avais tiré, mais que l’arme appartenait à l’inconnu et qu’il t’en avait menacée de « manière brutale et obs­cène ». Il avait bu sans doute. Il n’est plus là pour le dire. C’est comme s’il n’avait jamais existé. On suppose que tu as réussi à lui arracher l’arme, que tu as tiré, ou bien que les coups « sont partis tout seuls » à cause d’un geste trop vif de ta part. Deux balles perdues? Ils ont retrouvé les douilles dans une chambre de l’appartement au cours de leur enquête. Mais qui leur a ouvert la porte ? Mme Dorme ? Sur toi, pas grand-chose dans ce dossier. Tu n’es pas née à Casablanca, comme tu nie l’avais dit un soir quand nous parlions d’Agha­mouri et de certains habitués de l’Unic Hôtel qui avaient des « liens étroits » avec le Maroc. Tu es née, tout simplement, à Paris pendant la guerre, deux ans avant moi. Née de père inconnu et d’Andrée Lydia Roger, au 7, rue Narcisse-Diaz, seizième arrondissement. Clinique Mirabeau.

  • Le roman se termine par l’évocation d’une lettre de Dannie :

Quelque temps plus tard, un matin, j’ai trouvé une enveloppe que l’on avait glissée sous la porte de ma chambre :

Jean, je pars et cette fois il est probable que nous ne rions reverrons pas d’ici bien longtemps. Je ne te dis pas où je vais, parce que je ne le sais pas moi-même. Tu ne me trouveras pas là où je vais. Je serai très loin — et, en tout cas, pas à Paris. Si je pars, c’est que je ne voulais pas t’attirer d’ennuis…

P.-S. : je t’ai fait un petit mensonge qui me pèse. Je n’ai pas 21 ans comme je te l’avais dit. J’en ai 24. Tu vois, je serai bientôt vieille.

Elle avait recopié cette lettre qui figurait dans un vieux roman que nous avions acheté cet après-midi sur les quais. Je l’entends encore me dire : « … Ne te casse pas la tête, Jean… » Le bois, les avenues vides, la masse sombre des immeubles, une fenêtre éclairée qui vous donne l’impression d’avoir oublié d’éteindre la lumière dans une autre vie, ou bien que quelqu’un vous attend encore… Tu dois te cacher dans ces quartiers-là. Sous quel nom? Je finirai bien par trouver la rue. Mais, chaque jour, le temps presse et, chaque jour, je me dis que ce sera pour une autre fois.

Que signifie tout cela ? Heureusement, grâce à la technique des constellations familiales, nous allons le découvrir.

La constellation familiale selon Bert Hellinger

Le placement initial : l’auteur, Dannie, le marocain et le policier

Se placent les représentants de Jean, Ghali, Dannie et le policier

  • Jean, l’auteur, vient se placer au milieu du plateau, les 2 mains sur les hanches. Il veut montrer qu’il est le patron. En effet, en tant qu’auteur, il décide de raconter ce qu’il veut.
  • Le représentant de Ghali se place à sa gauche, derrière lui.
  • Dannie se place à la droite de Jean, presque en face de Ghali.
  • Le policier se place en face de Jean.

Nous avons la configuration suivante : Jean et Langlais sont face à face, ainsi que Dannie et Ghali.

Herbes1

Voici les réactions des protagonistes :

  • Dannie a l’impression de demander des papiers à Ghali pour lui attirer des ennuis.
  • Jean aime bien Dannie qui le trouve un peu loin.

Quand Ghali demande à Jean de se méfier de Dannie, c’est complètement égal à Jean qui répond « je l’apprécie pour autre chose ».

La soirée du crime au 46 bis quai Henri-IV

Le concierge, Mme Dorme et le futur mort viennent se placer. Mme Dorme est au milieu et le concierge et le mort se font face :Herbes2Ni Dannie, ni le concierge n’ont envie de le tuer. Mme Dorme a envie de le tuer dans le dos. Ainsi, c’est sûrement elle l’auteure du crime. Continuons l’histoire :

  • Quand Dannie demande à Jean « qu’est-ce que cela te ferais si j’avais tué quelqu’un ?« , il répond « cela me mettrait mal à l’aise« . Puis, sur ma suggestion, comprend qu’il pourrait en écrire un roman et c’est pour cela qu’il a besoin de Dannie.
  • Quand elle lui demande d’aller dans l’appartement voir s’il y a Mme Dorme, elle lui donne la solution. C’est Mme Leblanc et non Mlle Rose ! C’est pour cela qu’elle a disparu.
  • Convoqué par le policier Mr Langlais qui lui annonce la mort d’une personne, et que Dannie s’appelait Dominique, Jean n’est pas triste que Dannie soit partie, l’important est de raconter l’histoire. Jean dit au policier que Dannie lui a dit. Dans le roman, ce n’est pas le cas. Le représentant de Jean pense qu’en ne disant pas toute la vérité dans son roman, il crée du suspense. Plus il raconte d’histoires, plus l’histoire continue et il retient l’attention. Le policier Langlais aimerait trouver le coupable et le mort se dit que personne ne s’intéresse à lui.

Je teste avec 2 nouveaux personnages, un lecteur et la mort de l’écrivain :

  • Je demande à un représentant de lecteur de venir se placer face à Jean pour comprendre l’intérêt de lire un livre qui ne va pas au fait et qui cherche l’accessoire pour raconter une histoire. Le lecteur est intéressé par le fait de sortir de la réalité, de planer, de s’amuser…
  • Je demande alors à la mort de Jean de venir en face de lui. Il n’a plus envie de raconter des histoires.

Ainsi, ses histoires abordent l’accessoire pour ne pas accepter l’essentiel, sa mort.

En conclusion : Patrick Modiano méprise sa mort dans son roman

Patrick Modiano est atteint d’un TOC, d’un Trouble Obsessionnel Compulsif. Il occupe son esprit de pensées futiles, sur le nom des rues, évitant ainsi de penser à sa mort. C’est le cas des personnes obnubilées par un amour obsessionnel ou qui se font du souci pour leurs enfants ou leurs petits-enfants.

C’est sûrement le cas de ses lecteurs, qui se délectent de futilités et laissent de côté l’essentiel, célébrer leur vie, l’enrichir en acceptant de mourir un jour.

Ces dynamiques morbides sont souvent liées à la mort d’un proche, connu ou inconnu. Elles peuvent naturellement se résoudre en constellations familiales. Vous accepterez alors de voir votre mort droit devant vous au lieu de la tromper dans des romans, comme écrivain ou comme lecteur.

Si vous avez des remarques, laissez-moi un commentaire.

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