La place des enfants est chez leurs parents

Voici un entretien avec Bert Hellinger sur l’adoption tiré de son livre « Constellations familiales ».

Je me souviens d’un cas lors de l’un de vos séminaires. Il s’agissait d’une femme qui avait adopté deux enfants avant d’en mettre elle-même deux au monde. Vous avez interrompu la constellation en faisant la remarque suivante : « Qui fait fausse route depuis trop longtemps ne peut plus revenir en arrière ». Bon nombre de personnes présentes en ont été choquées...

Le choc vient de la prise de conscience du réel.

Vous êtes d’avis que l’adoption est contraire à cet ordre sous-jacent que vous ne cessez d’évoquer. Pourtant, dans notre société, l’adoption passe pour être un acte social. Les parents adoptifs jouissent de la considération générale…

Adopter des enfants parce qu’on ne peut pas en avoir, c’est une intervention grave dans les ordres fondamentaux des familles, car la place des enfants est chez leurs parents. On conseille parfois aux jeunes mères de faire adopter leur enfant plutôt que d’avorter. On les aide dans ce sens. Je trouve cela grave.
Il faudrait bien plutôt les inciter à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de l’enfant. Et si elles ne peuvent, pas plus que le père, s’en occuper, il faudrait voir si les grands-parents ou d’autres membres de la famille sont en mesure de le faire provisoirement. L’enfant reste ainsi en famille jusqu’à ce que ses parents puissent le reprendre. Mais je tiens pour une faute grave de faire adopter l’enfant ou que d’autres le prennent sans nécessité absolue.
L’adoption se justifie quand l’enfant n’a plus personne. Quand, par exemple, les parents sont morts ou que l’enfant a été abandonné. Il est alors légitime et grand de le prendre et de l’élever. Mais il ne faut en aucun cas adopter des enfants à la légère ou les retirer à leurs parents ou grands-parents. C’est un triple péché : contre l’enfant d’abord, à qui on prend ses parents et sa famille ; contre les parents ensuite, auxquels on prend l’enfant, en profitant de la situation ; contre cette loi, enfin, qui veut que chacun assume les conséquences de ses actes et son destin.
Prenons le cas des enfants du tiers monde qui grandissent dans la misère. De bonnes âmes cherchent à les sauver, à leur offrir une vie meilleure. Mais, ce faisant, secourent-elles vraiment ces enfants et leurs familles ? En effet, elles ne leur permettent pas d’assumer le destin qui est le leur. Or, assumer son destin, cela fait partie de la dignité de la personne.
On observe que l’adoption s’accompagne toujours d’une perte dans le domaine personnel. Cela veut dire que l’âme des parents adoptifs ressent l’adoption comme une faute. Il arrive que l’un de leurs propres enfants meure. On a même vu des mères adoptives avorter. L’enfant qu’elles auraient dû avoir est alors sacrifié. Et il est fréquent que des parents adoptifs se séparent. En ce cas, c’est l’un des conjoints qui est sacrifié.

Il y a pourtant des centaines et des milliers de cas où l’adoption réussit. Nombre de familles adoptives, parents et enfants, vivent dans le bonheur.

Je ne parle que des cas d’adoption non justifiée, quand, par exemple, on veut avoir un enfant pour soi, plutôt que de l’aider dans ses besoins réels. Je suis contre l’abus de l’adoption.
Lorsqu’un enfant adopté voit qu’il ne trouve ni aide ni soutien auprès de ses parents naturels, il peut les reconnaître en tant que parents, mais il sait que seuls ses parents adoptifs sont en mesure de l’éduquer et de le former. Il honore alors aussi bien ses parents naturels que ses parents adoptifs. Mais dans le cas où l’enfant adopté prend un mauvais tournant (parce qu’il aura été adopté à la légère ou qu’on lui aura dit du mal de ses parents naturels), alors les parents adoptifs ne peuvent plus revenir en arrière. Il leur faudra supporter les conséquences de leur choix comme on le fait d’une faute.

Vous êtes donc d’avis que l’adoption doit être mûrement réfléchie…

En effet. Je plaide pour la famille d’accueil plutôt que pour l’adoption. Les enfants ont alors une chance de pouvoir retourner chez leurs parents. Ce n’est pas le cas dans l’adoption.
Le problème, c’est que les parents nourriciers s’attachent à l’enfant et vivent dans la crainte perpétuelle qu’on le leur retire. Ils n’ont aucun droit… S’ils s’occupent bien de lui, ils n’ont aucune crainte à avoir.

En ce qui concerne l’adoption, votre point de vue n’est pas celui de l’opinion générale pour qui prévaut l’aspect social du problème, pour qui les parents adoptifs passent avant les parents naturels.

Si vous avez des remarques, laissez-moi un commentaire.

6 réflexions au sujet de “La place des enfants est chez leurs parents”

  1. Bonjour,
    Que penser des dons (ovocytes/sperme) lorsqu’un des conjoints ne peut avoir d’enfants ou dans le cas des couples homosexuels ?

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    • Dans ce cas, cela crée un nouveau système qui a la précédence sur l’ancien… le désordre. De plus, quand l’un des deux est stérile, il doit une « compensation » s’il renonce à avoir des enfants…

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      • Je n’ai pas compris. Le nouveau système créé a préséance sur l’ancien (lequel). Du coup, où est le désordre ? Et que signifie devoir une « compensation » s’il renonce à avoir des enfants ? Et s’il ne renonce pas à avoir d’enfants et passe par un don ?

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        • Le nouveau système, avec le parent qui a donné son gamète, a la préséance sur l’ancien (celui du parent stérile). Je parlais d’une compensation dans le cas où le parent non stérile renonce à avoir des enfants. S’il en a un par un don, on retourne au problème précédent… Sujet délicat….

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  2. D’accord, et quelle serait la compensation, dans le cas d’un parent non stérile qui renonce à avoir des enfants ? Quel type de compensation ?

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    • Cela dépend vraiment des couples. J’ai vu que dans certains cas, la personne faisait plus souvent à manger. Ou elle peut accepter une différence de contribution à la vie du couple… A quelle condition acceptes-tu de ne pas avoir d’enfant avec moi ? Dans le cas de Macron, sa femme l’accompagne à l’elysée…

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