A qui peut-on ou doit-on pardonner ?

Qu’est-ce que le pardon ? Pourquoi pardonner ? A qui peut-on pardonner ? Ce pardon amène-t-il la paix ? Qui peut pardonner ?

Ce sujet est assez controversé et voici quelques réponses théologiques, philosophiques et celles privilégiées dans l’approche phénoménologique des constellations familiales selon Bert Hellinger. Puis nous élargisserons le sujet à d’autres thérapies.

Qu’est-ce que le pardon ?

Faire une remise ? Laisser la vie sauve à un condamné ? Oublier ? Déclarer la faute « nulle et non avenue » ? Le pardon est plus religieux que philosophique ou psychologique. Voyons ce que prônent l’Ancien et le Nouveau Testament. Qui dit faute dit en effet pardon. La première question est « qui pardonne ? » Un être éternel ou un être humain ?

Dans l’Ancien Testament

Yom Kippour est le jour de la repentance, de l’expiation tel que décrit dans le Lévitique 16:30

Car en ce jour on fera l’expiation pour vous, afin de vous purifier : vous serez purifiés de tous vos péchés devant l’Éternel.

Et il en est ainsi dans d’autres passages, tels que Moïse demandant le pardon à ses troupes dont aucun ne verra le pays promis à leurs ancêtres, puisqu’ils ont tous rejeté leur Dieu. Il en fit tuer 3000 en concluant.

Consacrez-vous aujourd’hui à l’Éternel, même en sacrifiant votre fils et votre frère, afin qu’il vous accorde aujourd’hui une bénédiction. (Genèse 32,  25-29)

Face à ce Dieu tout puissant, il est donc important de demander le pardon.

Dans le Nouveau Testament

Le texte est plus ambiguë, vous pouvez pardonner pour être pardonné, sauf dans certains cas. Citons Matthieu et Luc.

Matthieu (6, 12-15)

12. pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés;
14. Car si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi. 15 Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs offenses, votre Père ne pardonnera pas non plus les vôtres.

Le 12 étant quelquefois traduit par dettes (debts) au lieu d’offenses (trespasses).

Luc 12 10

Quiconque parlera contre le Fils de l’homme, il lui sera pardonné; mais à celui qui blasphémera contre le Saint Esprit il ne sera point pardonné.

Luc 23, 34

Jésus dit : Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. Ils se partagèrent ses vêtements, en tirant au sort.

Luc (24, 46-47)

46 Et il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu’il ressusciterait des morts le troisième jour, 47 et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem.

Nous voyons donc une sorte de hiérarchie et de menace : tu pardonnes pour être pardonné, sauf si tu as blasphémé contre l’Esprit Saint. Bref, tu as toujours besoin d’un plus « grand » que toi pour être pardonné.

En philosophie

Je n’ai pas trouvé de secours de ce côté. Que penser de la citation de Derrida « Pardonner, c’est pardonner l’impardonnable » ? ou de celle de Kant  « le philosophe ne se venge pas, mais ne peut pas pardonner » ? La philosophie reste pour moi une réflexion sur la réflexion et n’apporte pas de réponse sur des cas précis. L’approche phénoménologique des constellations familiales m’apporte davantage de réponses.

En constellations familiales selon Bert Hellinger

Celui qui pardonne se met au-dessus de celui qui est pardonné. Il pense que, par sa parole, il peut influencer le destin d’autrui. Il est important de rester innocent quand c’est le cas et de ne pas prendre la culpabilité de l’offenseur.

Voici une citation de Bert Hellinger

Le pardon fait que la relation d’égal à égal devient, pour le coupable, une relation d’inférieur à supérieur. Cela ressemble à la situation où l’un submerge l’autre d’amour, en donnant plus d’amour que l’autre ne peut en rendre.

Un véritable pardon ne peut être que réciproque : tous les deux décident, par exemple, de ne plus revenir sur ce qui s’est passé, même pas en pensée. Ils permettent à la situation douloureuse d’appartenir au passé pour toujours.

De rendre la responsabilité de l’acte à l’auteur lui rend sa dignité et la possibilité de compenser.

La question sous-jacente est « de quoi suis-je responsable ? » Certaines pensées dépendantes de Ho’oponopono telles que dans le livre Zéro limite : Le programme secret hawaïen pour l’abondance, la santé, la paix et plus encore disent que chacun est 100% responsable de l’univers dans lequel il vit. Comme le dit Marshall Rosenberg, l’inventeur de la CNV, nous sommes innocents des réactions de l’autre quand l’échange est verbal.

Il est important de respecter la règle d’équilibre, en particulier dans les offenses, tout en respectant une communication bienveillante, les besoins de chacun. S’il y a de l’amour, la « réciproque » est bienveillante en faisant « un peu moins » de mal. La demande de compensation permet de rétablir l’équilibre. Dans le cas de violence, elle permet à l’auteur de retrouver sa dignité et de ne pas dépendre d’un pardon incertain.

Victime et persécuteur, offenseur et offensé

Comme cité ci-dessus, celui qui a commis l’acte, le coupable, est le responsable. D’en prendre la responsabilité soulage la victime, lui permet d’accepter plus facilement son innocence. Je me souviens d’un cas où un prêtre coupable de viol sur un enfant lui a demandé le pardon, ce qui rendait la victime responsable de l’acte du persécuteur. J’ai amené Dieu et je lui ai fait dire « je m’en occupe, tu es innocent et tu le resteras »

Meurtre ou avortement, l’expiation possible

Ce sont les 2 cas extrêmes de responsabilité et d’expiation. Dans ces 2 cas, la personne est coupable. Par contre, elle peut se pardonner, si elle accepte de ne plus expier. Dans ce dernier cas, elle ne voit pas sa victime. Elle ferme les yeux ou lui tourne le dos.

Se pardonner à soi ? Est-ce possible ? Oui, c’est même conseillé. C’est souvent la solution. « Je peux me pardonner », « j’ai fait du mieux que j’ai pu » sont des phrases qui soulagent. Elles peuvent être utilisées en séances individuelles d’EMDR.

Les dynamiques en constellation familiale

Voici quelques pistes de résolution dans les constellations familiales selon Bert Hellinger.

  • Redonner de l’humanité au persécuteur. Le persécuteur, la mère qui avorte ou l’homme qui a abusé ou tué, doit retrouver son humanité afin de pouvoir voir celle de sa victime. Cela passe par le fait de faire venir sa mère, les membres de la famille qui sont morts ou un ange gardien pour ceux qui y croient.
  • S’il est mort, l’aider à accepter sa mort. Un représentant de sa mort peut lui dire : « Ici, tu seras en paix, il n’y a pas de différence entre victime et persécuteur ».
  • Le persécuteur voit la souffrance de la victime. Là est la solution. La victime est la solution, l’amour qu’elle peut porter à son persécuteur. C’est un lien très fort et les 2 font partie du système.

D’autres approches du pardon

Certaines techniques prônent le pardon universel. En pardonnant à la planète, aux autres…

Je suis sceptique face à de telles techniques. Comment respecter le chemin d’autrui en étant responsable de son sort en lui pardonnant ?

Pour aller plus loin

Vous pouvez lire…

Si vous avez des commentaires, laissez-les moi.

7 réflexions au sujet de “A qui peut-on ou doit-on pardonner ?”

  1. Bonjour.Ce qui m’a plu dans le titre de cet article, est le mot « familiales », car j’ai la sensation depuis très longtemps que quelque chose freine ma vie depuis plusieurs générations dans ma famille (paternelle et maternelle). Mon père a perdu sa mère très jeune et n’a jamais été heureux dans sa vie; et du coté de ma mère, malgré une joie en façade, souffre intérieurement beaucoup. L’amour n’a jamais été concret dans nos vies, c’est comme si c’était logique de s’aimer sans le montrer ni le dire. Pour ma part je suis dans une période de mal-être profond (mais finalement j’ai toujours été comme ça) et je me dit que je fais partie de cette famille pour expier.
    Je n’ai évidemment pas envie de vivre comme ça, mais je baisse les bras car cette force de tristesse et d’abandon prend le dessus sur la joie l’amour et la vie.
    Pouvez-vous m’aider s’il vous plait ?

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    • Comme votre père a perdu sa mère très jeune et que vous êtres une femme, il est probable que vous soyez identifié à votre grand-mère paternelle. Dites-vous que ce rappel est inutile. Il a pour objectif de rendre « heureux » votre père, ce que vous ne pouvez faire.
      Le mieux est d’honorer le destin de votre grand-mère « regarde-moi avec bienveillance si j’ai un destin plus léger que le tien ». Venez en constellations familiales qui résoudront probablement cette identification.

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  2. J’ai fait une constellation une fois où je voyais un ancêtre qui avait fait souffrir la famille. Je lui ai dit  » je te pardonne » la constellatrice m’a reprise en me disant que je n’avais pas a pardonner car c’est un ancêtre donc au dessus de moi dans la généalogie.
    Concernant le rapport entre parents et enfants , le parent peut il sincèrement demander pardon a son enfant s’il l’a blessé, ou cela cree-t-il une inversion des rôles ? J’avoue que jai du mal a comprendre ce point
    Dans ce cas si la demande de pardon n’est pas appropriée quel acte serait le plus juste ?

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    • La solution consiste à voir victime et persécuteur ensemble, l’un à côté de l’autre. Cela peut demander du temps au persécuteur pour se rendre compte du dommage commis à la victime. Pour lui, la solution consiste à voir la victime et à accepter le tord qu’il a commis.
      Entre parent et enfant, si la relation continue, il peut y avoir une compensation. Marshall Rosenberg réussissait à avoir de l’empathie pour le parent en se mettant dans sa peau et en en donnant à l’enfant toujours en colère contre lui. Si le parent demande pardon à l’enfant, cela inverse les rôles et l’enfant est placé au dessus du parent…

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